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Alain Decaux, passeur d'histoire

Quarante-six ans de radio, trente ans de télévision, quarante-neuf livres, des centaines de conférences et des milliers d’articles… Toute sa vie, et avec un inimitable talent de conteur, Alain Decaux, mort dimanche 27 mars à l’âge de 90 ans, n’eut de cesse de vouloir familiariser le grand public avec l’histoire. Une ambition résumée dans le titre du mensuel qu’il créa en 1960 : Histoire pour tous.

C’est en 1947, alors qu’il n’a que 22 ans et aucun diplôme en poche – il a abandonné dès sa deuxième année de licence des études de droit qui auraient pu le mener, comme son père, à une carrière d’avocat –, qu’Alain Decaux publie son premier livre. Edité grâce à Sacha Guitry, avec qui il s’est lié d’amitié quelques années auparavant, ce Louis XVII retrouvé est emblématique du type d’histoire dont le jeune homme est friand : un vif intérêt pour l’intimité des familles illustres et une passion pour les mystères du passé, ces « énigmes de l’histoire » dont il fera le titre de sa première émission télévisée ainsi que la trame de nombreux ouvrages. Il a alors deux modèles : Théodore Gosselin, dit G. Lenotre (1855-1935), l’inventeur de la « petite histoire », et Alexandre Dumas, qu’il accueillera au Panthéon en 2002.

Si la thèse défendue par Decaux dans ce premier livre a fait long feu – on ne croit plus aujourd’hui à l’évasion du petit Louis XVII de la prison du Temple ni à sa survie sous l’identité d’un horloger prussien appelé Naundorff –, sa rédaction aura du moins été l’occasion pour lui de faire la connaissance d’André Castelot (1911-2004), un journaliste féru d’histoire, connu pour ses opinions monarchistes, et qui s’était lui aussi piqué de curiosité pour le destin du fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Une rencontre décisive.

Des décennies durant, en effet, les deux complices officieront en tandem. A la radio, d’abord, où ils inaugurent en 1951 une « Tribune de l’histoire », qui sera encore diffusée sur France Inter en 1997. A la télévision, ensuite, avec « Les Enigmes de l’histoire », en 1956, qui deviennent dès l’année suivante « La caméra explore le temps ».
Dans ces années dix-neuf cent soixante où la télévision s’impose dans les foyers français, la formule, qui mêle reconstitutions en costumes et débats entre spécialistes, fait florès. Certains épisodes battent des records d’audience. C’est le cas de La Terreur et la Vertu, en 1964, qui met en scène le duel Danton-Robespierre. Et surtout des Cathares, au printemps 1966, dont le retentissement aurait même, selon certains observateurs, contribué à la renaissance du mouvement occitan…

Mais, à une époque où les oukases, à la télévision, sont d’abord politiques, une forte audience n’est pas une garantie suffisante à la survie d’une émission. Désireux de se débarrasser du réalisateur Stellio Lorenzi (1921-1990), connu pour son engagement communiste, le pouvoir gaulliste met donc un terme à l’aventure en 1966. Et ce n’est qu’en juin 1969, après la démission du général de Gaulle, que Decaux retrouve une émission à lui. Une fois par mois, pendant une demi-heure, il réussit à tenir le spectateur en haleine, seul à l’écran et sans prompteur. L’émission changera plusieurs fois de nom, mais le public retiendra surtout le premier : « Alain Decaux raconte », futur label d’une collection de livres à succès.

Entre deux ouvrages ou deux émissions, celui que France Soir qualifiera un jour de « forçat de l’histoire » trouve encore le temps de s’adonner à une autre de ses passions : le théâtre, notamment aux côtés du metteur en scène Robert Hossein, qui lui confie l’écriture de nombreuses superproductions historiques à la gloire de Jésus, Marie-Antoinette, de Gaulle ou encore Ben Hur, leur dernière collaboration, qui remplit le Stade de France en 2006.

Seule son entrée au gouvernement, au lendemain des élections législatives de 1988, obligera Decaux à mettre entre parenthèses ses multiples activités. Ministre délégué chargé de la francophonie, ce catholique sans affiliation partisane, qui aimait se réclamer de « la gauche de Victor Hugo », incarne l’ouverture à la société civile souhaitée par le premier ministre Michel Rocard, et se consacrera pendant trois ans à la coordination de l’action télévisuelle extérieure. Sans grands moyens mais avec la satisfaction de figurer en tête des ministres les plus populaires dans la plupart des sondages.
Longtemps méprisé par ses collègues de l’université, qui voyaient en lui au mieux un vulgarisateur habile, Decaux fut reconnu au moins une fois pour l’apport de ses recherches. Ce fut à l’occasion de la parution de son Victor Hugo, en 1984, fruit d’années de travail passées à lire les vingt-deux mille lettres échangées entre l’écrivain et Juliette Drouet.

Cette même année, dans Le Débat, Pierre Nora, qui le rejoindra plus tard à l’Académie française, voulait croire à son retour en grâce dans la confrérie historienne : « L’histoire dite “nouvelle, après s’être intéressée exclusivement aux grandes structures socio-économiques, après avoir chassé l’événement et fui le fait divers, (…) retrouve avec la microhistoire l’événement clé ou l’épisode miniature. Du même coup, le type d’histoire — pratiqué par Alain Decaux — reprend une certaine légitimité aux yeux de l’histoire universitaire considérée comme noble. »

Alain Decaux resta fidèle à Janson où il fit ses études. Il participa à la première Fête du livre du lycée Janson, en 2010.

Le Monde.fr | 27.03.2016 à 17h06 • Mis à jour le 28.03.2016 à 09h46 | Par Thomas Wieder

 

Pour en savoir plus…

Le reportage diffusé par France Télévisions le 27 mars 2016
La première de "Alain Decaux raconte", le 10 juillet 1969
Alain Decaux raconte... "Alain Decaux raconte"




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